S.I.P.L. ET RADIOSCIL


    L'émulation technique au cours de la guerre 1914-1918 avait amené M. William LOTH à s'intéresser au radioguidage et à déposer un certain nombre de brevets. Il créa un bureau d'études pour poursuivre ses essais. C'est ainsi que naquit en 1921 la Société Industrielle des Procédés Loth (S.I.P.L.) dont le siège était situé Avenue Kléber à Paris et dont M. William LOTH assurait la Direction Technique, l'Administrateur délégué étant -de 1928 à 1938- M. Henri VALLÉE, auquel succéda en 1938 M. Claude BOURGONNIER, Ingénieur du Génie Maritime, qui devint Président Directeur Général en 1940.

    Pour ses essais S.I.P.L. disposait d'un terrain dans l'île Vaux près de Meulan et de plusieurs bateaux se déplaçant sur la Seine. Les pouvoirs publics s'intéressant aux résultats obtenus, une nouvelle base fut créée à Carro pour expérimenter le radioguidage sur les lignes maritimes et aériennes Marseille - Alger.
S.I.P.L. avait pris des intérêts ou fondé des filiales dans plusieurs pays étrangers.

    S.I.P.L., n'étant qu'un bureau d'études, ne disposait pas d'ateliers de fabrication aussi s'adressait-elle à des sous-traitants comme RADIOSCIL à Neuilly et SADOD (Société des Ondes Dirigées). Vers 1936, S.I.P.L. absorba RADIOSCIL qui était dirigée par M. LAGRUE. M. BOURGONNIER, assisté de M. Clément HAREL, devait garder la direction de S.I.P.L. jusqu'à sa mort en 1944. C'est alors que M. William LOTH prit la présidence de la société assisté de M. Clément HAREL (Directeur Général de 1942 à 1946).

    Les réalisations en radioguidage (brevets de M. LOTH et du Commandant AICARDI) avaient placé S.I.P.L. en excellente position grâce à un groupe d'ingénieurs qualifiés (MM. BABLON, OSTROVIDOFF, FAMILIER, GROSSIN, ROTHIER, LAFORET). La société avait pu étendre son activité dans le domaine des radiocommunications et de la radiodiffusion. Aussi PHILIPS qui n'avait en France que des activités grand public conclut avec S.I.P.L. un accord d'assistance technique en 1938 et y prit une participation en Mai 1939. Jean LEFLAMBE fut détaché de PHILIPS pour en assurer le contrôle financier en 1941.

    Certains ateliers de S.I.P.L. avaient dès 1938 été transférés de Neuilly à Planquivon dans l'Orne pour assurer la fabrication des émetteurs-récepteurs SARAM 3/10 destinés aux avions de bombardement. Gaston SALMET et Pierre PASTIER y assuraient études et essais. Les deux usines de Planquivon et du Buat avec près de 700 personnes fonctionnèrent jusqu'en fin 1947 date à laquelle PHILIPS reprit les locaux pour y installer les fabrications du département électro-acoustique.

    En 1940, une partie du bureau d'études .de S.I.P.L. s'était repliée à Brive où fut réactivée la société RADIOSCIL pour la fabrication en zone libre des matériels destinés à l'Administration Française. M. BABLON qui était directeur d'usine jusqu'en 1942 succéda Jean LEFLAMBE qui prit la direction de l'usine en 1943. Léon RUBIN gardait la direction technique. Un certain nombre d'ingénieurs l'entouraient : Pierre TEXIER, Marcel SOUFFLET, Wladimir FAMILIER et Pierre AMOUROUX ; ils reviendront à Neuilly après 1944 retrouver Lucien ROTHIER et Gaston SALMET qui y étaient restés après des séjours à Planquivon.
Au lendemain de la guerre Philips prit le contrôle total de S.I.P.L., et souscrivit à plusieurs augmentations de capital pour financer son développement. S.I.P.L. disposait à Neuilly de son bureau d'études et d'un atelier rue Chauveau. L'équipe se renforça par l'arrivée de quelques transfuges de SADIR : Paul LE GUYON fut parmi les premiers, suivi assez rapidement par M. VIDREQUIN qui entrait à S.I.P.L. en 1947 pour assurer la direction commerciale puis la direction générale en Août 48. Après s'être intéressé à la radiodiffusion tant AM que FM, la société reçut de l'Armée des marchés de copie des matériels SCR 508 et SCR 694 dont elle commença une présérie. RADIOSCIL à Brive étant en rupture de charge, S.I.P.L. lui en sous-traita une partie. C'est en Septembre 1950 que RADIOSCIL fut absorbée une seconde fois par S.I.P.L. Les laboratoires de Brive devaient disparaître, mais comme ils disposaient d'un potentiel technique important spécialisé dans l'émission de puissance (Maurice VERGUET) et la VHP (André DARFEUILLE), ils continuèrent leurs travaux. Jean LEFLAMBE devait garder la direction de l'usine de Brive jusqu'en 1951.

    Depuis 1948, S.I.P.L. essayait de se diversifier et Alexandre TARASSOFF avait été engagé pour développer une activité "Courants Porteurs" complémentaire de celle de PHILIPS à HILVERSUM. Faute de place, ce service avait occupé des locaux Avenue Montaigne, puis au LEP rue du Retrait et enfin à Suresnes, rue de la Passerelle.

    Il reste heureusement quelques souvenirs des principaux matériels réalisés par S.I.P.L. et RADIOSCIL dans les années 40 : les 5 émetteurs 20 kW de radiodiffusion (OM et OC) installés à PAU et à MURET et leurs cellules de couplage, des émetteurs-récepteurs portatifs OC de 40 W, quelques récepteurs "universels" pour les diverses administrations, des appareils de mesures, un émetteur 500 W "tropicalisé" câblé en fil nu qui fut réalisé à 160 exemplaires, les émetteurs-récepteurs SCR 508 et SCR 694 copies des matériels US destinés à l'armée, et les émetteurs-récepteurs VHF de tour de contrôle (supérieurs à 100) ainsi que les balises Z et fan-markers pour l'aviation militaire et civile. Il ne faut pas oublier non plus les livraisons clandestines de matériels à la Résistance après l'occupation de la zone libre.

    Neuilly étant trop étroit et vétuste, S.I.P.L. avait loué, puis acquis des locaux 26 rue Boyer à Paris 20e et s'y transférait en 1950. Des transformations importantes furent entreprises dont la construction d'un bâtiment de 6 niveaux (doublant les surfaces existantes) plus spécialement destiné à recevoir les services techniques et des ateliers de présérie. En 1951 la perspective d'un contrat off-shore pour la fabrication des émetteurs-récepteurs AN-GR-C9 nécessitait un appui financier important et justifiait pour S.I.P.L. un statut lui permettant de se voir confier des contrats d'intérêt national dans le domaine militaire ; aussi PHILIPS prenait une nouvelle participation dans S.I.P.L. Cette même année 1951, S.I.P.L. participait à la création en Algérie de la Société AFricaine de TELécommunications (SAFTEL).

    Il était clair dès lors que SIPL franchissait un seuil important qui appelait une évolution de sa structure. Celle-ci fut décidée en 1952 et se traduisit par :
    - l'adoption d'une nouvelle dénomination sociale : Télécommunications
      Radioélectriques et Téléphoniques TRT,l'augmentation des fonds propres, portés à 600 millions grâce       à de nouveaux apports de PHILIPS,
    - l'introduction en Bourse de l'action de TRT (d'abord sur le marché au comptant, puis à terme le 26       Juillet 1955),
    - et la diminution progressive de la participation de PHILIPS, qui allait être ramenée en 5 ans à environ       50 %.

    Ces transformations furent décidées par l'Assemblée Générale du 30 Juin 1952.

    En même temps M. William LOTH se retirait et cédait la présidence à M. Maurice VIDREQUIN qui devenait le premier P.D.G. de la société TRT.

 

LA NAISSANCE DE TRT


    TRT a donc été créée le 30 Juin 1952. Le siège était au 26 de la rue Boyer (Paris 20e) où venaient d'être regroupés dans des locaux nouvellement construits ou réaménagés : la direction, les services administratifs, le service commercial, les services techniques et des ateliers de production. L'usine de Brive continuait d'assurer l'étude et la fabrication des émetteurs de puissance et de quelques autres ensembles.

    La direction était composée de MM. Maurice VIDREQUIN (P.D.G.), Paul HUET (D.G. adjoint), André MARETTE (Secrétaire Général) et Xavier GIELEN (Directeur Financier). La société comptait 650 personnes environ, 300 à Paris et 350 à Brive.

    Les services techniques étaient au nombre de deux : Radio et Courants Porteurs. Le service Radio dirigé par Paul LE GUYON comportait à Paris une douzaine d'ingénieurs (dont Gaston SALMET, Marcel SOUFFLET, Wladimir FAMILIER, Pierre AMOUROUX, Constant SAVARY, Marcel BADION), une dizaine d'agents techniques et environ douze dessinateurs sous la coupe de Lucien MOURIER ; à cela s'ajoutait un atelier labo de mécanique (Marcel ROUSSET), avec quinze compagnons, et un atelier de câblage avec une demi-douzaine de personnes.

    A Brive, sous la direction de Maurice VERGUET, un autre service Radio s'occupait des émetteurs de puissance, avec une vingtaine de personnes.

    Le service Courants Porteurs (qui avait été créé en 1948) dirigé par Alexandre TARASSOFF revenait de la rue de la Passerelle à Suresnes et comportait 4 ou 5 ingénieurs (dont Guy COLETTE, Raymond GUIRIMAND, Pierre DANGLES, Marcel RASTELLO), 6 agents techniques et 2 dessinateurs (André GOUBY et Pierre NAEGELS) ; s'y ajoutait un petit atelier de 4 ou 5 personnes (de RIDDER).
    Au service commercial, d'environ 10 personnes, on relevait les noms de Robert LEMORO, Jacques DREVON, Maurice VIELZEUF, Lucien ROTHIER, Durand de SAINT- FRONT. Dans les services administratifs figuraient Marcel PRABONNAUD (achats) et Jean VINCENT (Chef du personnel).

    L'effectif le plus important était constitué par la production sous les ordres de Gabriel CHRÉTIEN. Au bureau de lancement-ordonnancement on relevait les noms de Maurice GERVAIS, Louis PRUDHOMME, Roger SEGUIN... La force de frappe de TRT à cette date était constituée par un important atelier de mécanique (tour, fraisage, tôlerie, soudure par points) d'environ 75 personnes, un atelier de montage-câblage d'au moins 60 personnes (Robert GUYOMAR) ainsi qu'un service Essais dirigé par Pierre PASTIER assisté de Roger MALLET.

    Deux décisions importantes allaient être le point de départ d'une croissance continue. En Octobre 1952, M. HUET, qui dirigeait les services techniques, ayant le souci de diversifier les activités de TRT, créait un service Signalisation/Commutation (Cyprien RAYMOND) et un service Faisceaux Hertziens qui attendra l'arrivée d'André LAURENS en Mars 1953 pour vraiment prendre corps. Parallèlement M. VIDREQUIN négociait avec les Américains la fabrication de 3 000 émetteurs-récepteurs AN-GR-C9 (premier contrat off-shore pour l'U.S. Army), ainsi que l'étude et la fabrication de leurs alimentations DY88.

    En 1957 l'arrivée de Claude COSSE et de quelques uns de ses collaborateurs du CNET marqua le début des études de nouveaux matériels militaires dans le domaine des fusées de proximité pour engins et des radioaltimètres.

    A partir de là, l'expansion de TRT va être exceptionnelle, les effectifs passant en 10 ans de 650 à 2 000 personnes et tout particulièrement de 50 à 400 pour les études et le développement. Tout au long de cette croissance la direction a su créer et maintenir entre ses activités civiles et ses activités militaires d'une part, entre son principal actionnaire PHILIPS et les Administrations françaises et diverses sociétés européennes d'autre part, un équilibre générateur de très nombreuses retombées positives.

    Ainsi a été construit et développé un modus vivendi satisfaisant les autorités militaires et civiles françaises et respectant les exigences de cohérence avec les moyens du groupe PHILIPS et ses méthodes qui se sont révélées particulièrement efficaces en gestion financière.

    Aussi TRT, bien gérée financièrement, bien gérée techniquement et humainement a-t-elle connu un développement sûr et raisonné et acquis une renommée de société sérieuse et de pointe en France et dans le monde entier.

    Avec ses résultats financiers, TRT a toujours, avec courage, privilégié les investissements dans les études préparant le futur, études parfois très avancées, et dans les moyens de production.
Pratiquant volontairement un recrutement de ses ingénieurs et cadres très ouvert, elle a su créer de solides équipes souvent enviées en France comme à l'étranger.

    Le fondement de cette réussite tant interne qu'externe provenait de la confiance totale et réciproque entre les dirigeants et les collaborateurs d'où résultait un véritable esprit d'équipe excluant toute vaine compétition et qui fut une des forces principales de TRT.

    C'est au travers de ses services que l'on peut le mieux suivre l'évolution de la société : ce sera l'objet des chapitres qui suivent.