En
avionique, TRT s'est surtout intéressée à deux domaines
: les radioaltimètres et les systèmes de radionavigation.
LES RADIOALTIMÈTRES
Dès 1957, année de sa création,
le service MES s'est intéressé aux radioaltimètres. Claude
COSSE et son équipe avaient fait un choix technique décisif
qui allait conditionner tout l'avenir de cette activité : alors que
la technique courante reposait sur l'utilisation des impulsions, ils préférèrent
adopter la modulation de fréquence d'une porteuse (FMCW) qui avait
le grand avantage de donner une bonne précision de mesure jusqu'à
l'altitude zéro, de plus la triode EC156, utilisée dans les
faisceaux hertziens, était à l'époque l'oscillateur idéal
pour cette modulation dans une bande s'approchant de celle des 4,2-4,4 GHz
réservée aux radioaltimètres.
La Marine fut le premier client. En effet, elle recherchait
un radioaltimètre pour assurer le largage de la torpille du missile
MALAFON. Les études commencèrent avec la modification d'un radioaltimètre
SFR à 400 MHz, mais très vite TRT a réalisé le
premier radioaltimètre AHA (Altimètre Hyperfréquence
Type A) travaillant à 3,6 GHz équipé d'une triode EC156
et d'un modulateur à vibreur à 125 Hz. Des versions AHB, AHC,
AHD et AHE se succédèrent en 1959 avec modulation à vibreur
mécanique. Il fut réalisé de petites séries d'AHE
100, 200 et 300 (environ 250 exemplaires).
Pour différents aéronefs, d'autres versions
de radioaltimètres ont été testées, comme par
exemple l'AHT commandé en 5 exemplaires pour l'asservissement en altitude
basse de l'engin cible CT20 de l'Aérospatiale. Mais en fait, il était
difficile d'obtenir sans commutation un bon fonctionnement à très
basse altitude (touché des roues) et à haute altitude (1500
m).
Le premier radioaltimètre qui connut une commercialisation
importante fut l'AHV3, à modulation par vibreur 125 Hz, mais avec asservissement
de la pente. Ce fut cet appareil qui, en raison de sa précision de
± 2 pieds,précision maintenue jusqu'au sol, permit les essais
d'atterrissage sans visibilité. C'est en décembre 1962 que des
essais effectués à Orly sur une Caravelle, en collaboration
avec des matériels Lear-Ziegler et Sud Aviation, confirmèrent
la validité du dispositif. Ce fut un succès total qui classa
définitivement TRT parmi les grands des radioaltimètres. Plusieurs
centaines d'atterrissages réussis, parfois en brouillard épais,
décidèrent Air lnter à adopter le principe de l'atterrissage
"tous temps" de ses appareils; de nombreux autres compagnies aériennes
suivirent.
L'année suivante, l'AHV4, réalisé
à 8 exemplaires, fut commandé spécialement pour la mise
au point de Concorde. Deux chaînes radioaltimètriques indépendantes
installées sur chacun des deux prototypes, comparaient en permanence
leurs indications.
La mise au point, dès 1964, de sources hyperfréquences
"solides", et surtout la réalisation d'équipements
à fréquence de battement constante avec suppression du modulateur
mécanique permettait la réalisation en 1967 des AHV5 pour l'aviation
civile, des AHV6 pour les utilisations militaires et un peu plus tard des
AHV7 spécialement développés pour les missiles mer-mer
MM38, MM39 et OTOMAT.
Avec l'AHV5, TRT disposait d'un radioaltimètre
précis et sûr qui allait équiper un grand nombre d'appareils
civils dans les dix ans à venir. Entre autres Douglas l'homologua pour
ses DC10 en 1973.
L'AHV6 connut un immense succès pour l'équipement
des avions militaires et fut adopté par exemple par la LUFTWAFFE qui
à elle seule en commanda plus de 1500. Une licence en sera accordée
en 1970 à SUNDSTRAND aux Etats-Unis.
Avec l'AHV7, TRT venait de réaliser une nouvelle
performance. Matériel léger, de faible encombrement utilisant
une antenne noyée dans le corps du missile, l'AHV7 permet à
un missile de naviguer à quelques mètres au-dessus des"
flots quel que soit l'état de la mer et d'échapper ainsi aux
radars. L'EXOCET qui était équipé de ce radio-altimètre
connaîtra ses heures de gloire dans les conflits des années 80.
La recherche continuelle de la précision des
radioaltimètres pour une altitude variant de quelques pieds à
30 000 pieds amena les équipes de TRT à s'intéresser
à la "pondération du spectre". Le premier radioaltimètre
à en bénéficier fut l'AHV6, puis l'AHV8, appareil de
dimensions réduites destiné à l'aviation générale
(1971). Suivit l'AHV9 en 1972/73 équipé d'une sortie numérique.
En 1974/75, l'AHV1O était caractérisé
par son très faible volume (0,7 dm3) car avec son indicateur, il pouvait
être installé sur le tableau de bord de l'aéronef et son
dérivé l'AHV20 pouvait être monté sur engin.
En 1976/77, apparut le successeur de l'AHV5 pour l'aviation
civile, l'AHV530, qui utilise un microprocesseur pour les fonctions de surveillance.
Le succès de ce matériel fut considérable et en 1979
il fut adopté pour les AIRBUS et pour les B757 et B767 de Boeing.
L'AHV9-T fut développé en 1978/79 pour
équiper les TORNADO de la LUFTWAFFE. Ce radioaltimètre avait
une très grande précision (3 %) due à la transposition
de la fréquence de battement ; il était également muni
pour la surveillance d'un microprocesseur. Cet appareil permettait le "suivi
de terrain". Avec l'AHV9-T TRT eut une grande satisfaction ; pour des
raisons politiques en effet, la France avait été éliminée
du programme TORNADO. Le radioaltimètre fut confié à
un consortium Allemand-Anglais-Italien qui échoua totalement, en sorte
que, quelques années plus tard, il fallut faire appel à TRT
pour résoudre en toute hâte le problème, particulièrement
difficile il est vrai.
A partir de 1980, la nécessité apparut
de disposer, sur le plan militaire, de radioaltimètres pouvant fonctionner
jusqu'à 60 000 pieds. TRT se lança en 1981 dans l'étude
de l'AHV12 dont la précision pouvait atteindre 1 % de 0 à 60
000 pieds.
L'introduction de circuits hybrides sur l'AHV15 en
1984/85 permit de réduire le volume de ce radioaltimètre destiné
aux missiles.
En 1986 les radioaltimètres AHV16 furent retenus
pour l'ATR42.
Enfin, avec l'application du traitement numérique
du signal, l'AHV17, dont l'étude a commencé en 1986, préfigure
une nouvelle génération d'équipements.
Pour compléter ce panorama de l'activité
radioaltimètres il faut signaler deux études menées entre
1976 et 1980 où les principes de base utilisés dans les radioaltimètres,
la modulation FM-CW appliquée à la mesure des distances, ont
été étendus aux mesures angulaires et à la transmission
des données, jetant ainsi le pont entre les simples mesures d'altitudes
et les systèmes de radionavigation. Il s'agit d'une part de l'étude
du confirmeur d'atterrissage ILM (Instrument Landing Monitor) pour le compte
du STNA, et d'autre part de l'étude sous contrat STTE du dispositif
de tenue de poste pour hélicoptères appelé Héliprox.
L'ILM fournissait à bord de l'aéronef
en phase d'atterrissage sur faisceau ILS (Instrument Landing System), à
son passage à une certaine distance en avant du seuil de piste, les
écarts latéral et de hauteur par rapport à l'axe nominal
de descente au point de passage. Ce dispositif devait permettre l'atterrissage
en Catégorie III sur des petits aérodromes, dont l'équipement
ILS ne correspondait qu'à la Catégorie II. Parce que pour être
agréée il fallait que la proposition française de l'ILM
le fût sur le plan mondial et parce qu'elle arrivait dans le contexte
des âpres discussions autour du MLS (Microwave Landing System), cette
étude n'eut pas de suite.
Le système de tenue de poste pour hélicoptère
"Héliprox" permettait à une formation d'hélicoptères
de traverser les couches nuageuses sans rompre la formation pour un groupe
allant jusqu'à 5 hélicoptères. L'Heliprox utilisait la
technique de la FM-CW à pente asservie pour mesurer le gisement et
la distance entre hélicoptères "équipiers"
et hélicoptère "leader" et pour transmettre du "leader"
vers les "équipiers" des informations de navigation (identification,
cap, altitude, etc...). Pour des raisons budgétaires, le développement
de ce matériel n'a pas été entrepris. Le système
de tenue de poste Héliprox, qui en fait est à la base de toute
une famille de systèmes de ralliement air-air, air-sol ou sol-sol,
devra donc attendre des jours meilleurs pour se déployer.
Un autre exemple de mesure de distance basée
sur la FM-CW est le dispositif d'accostage des gros pétroliers installé
à Antifer et à Fos/mer. Le PROXIMETRE indique depuis le quai
au pilote du navire qui accoste, sans aucune installation à bord, les
distances à 30 cm près et les vitesses de rapprochement à
1 cm/sec, de l'avant et de l'arrière du navire, par rapport au quai.
Ainsi, à partir des travaux théoriques
sur la modulation de fréquence de Raymond STRAUCH, ces équipements
de radio-altimétrie et de radionavigation ont eu comme principaux acteurs
: Roland ALLÉZARD, Jean-Pierre FOUILLOY, Roger VILAIN, Roger GALLOIS,
Jean-Pierre LANDROT, Michel NAUD, Jean-Pierre TOMASI, Michel RIFFIOD et Jean-Pierre
SUSSET.
LES SYSTEMES DE RADIONAVIGATION
En 1969, le Centre National d'Etudes Spatiales et
l'Aviation Civile proposèrent d'étudier un système de
télécommunication et de surveillance par satellites géostationnaires
pour les navires et les aéronefs : c'était le projet DIOSCURES,
auquel TRT participa. Jacques DAGUET et Guy DAVID étudièrent
et réalisèrent les maquettes d'un multiplex temporel utilisant
une modulation Delta à contrôle numérique, cependant que
Jean-Pierre TRANIN réalisait l'émetteur-récepteur à
1500 MHz qui permettait la liaison avec le satellite. L'expérimentation
eut lieu en Juillet 1970 et tous les détails de l'opération
ont été relatés dans un article de l'Onde Electrique
en Juin 1971. Ce projet n'eut pas de suite, mais avait dégagé
les principes de l'usage de satellites pour la navigation, que l'on retrouvera
avec le GPS Navstar.
Dans les années 1970, chacun se préoccupait
de trouver une solution plus moderne que les vieux ILS (Instrument Landing
System) pour l'atterrissage. Les services de l'aviation civile lancèrent
plusieurs expérimentations et confièrent en 1972 à TRT
(équipe SNS de Guy DAVID) la réalisation d'un équipement
DATA-LINK de radio atterrissage en phase terminale. Expérimenté
en 1973, l'équipement subit plusieurs modifications successives accompagnées
de nouvelles expérimentations. Faute d'avoir pu intéresser un
certain nombre de constructeurs à ce procédé, la proposition
française fut éliminée au détriment du MLS (Microwave
Landing System), appelé à remplacer l'ILS dans les années
90, et auquel TRT contribue.
TRT s'intéressa également vers 1975
au système GPWS (Ground Proximity Warning System) que SUNSTRAND aux
USA venait de présenter. Ce système devait attirer l'attention
du pilote dès que son avion se trouvait en position dangereuse : angle
de montée ou de descente trop rapide, vitesse d'approche trop élevée
ou proche de la limite, etc. Cette même année AIR FRANCE commanda
à TRT l'APS 500, Avertisseur de Proximité du Sol, qui, couplé
à un radioaltimètre, à un indicateur de pente et à
un mesureur de vitesse, déclenchait une alarme sonore dès que
des seuils étaient franchis en invitant le pilote à corriger
la situation. Après agrément de l'appareil par les autorités,
TRT lança une fabrication qu'il fallut arrêter devant les menaces
de SUNSTRAND de nous attaquer au plan de la propriété industrielle,
l'antériorité des brevets n'étant pas clairement établie.
Pour les aides à la radionavigation, TRT a
étudié en 1979 et développé le TDM 709 qui est
un mesureur de distances (système DME) par interrogation d'une balise,
ainsi que le transpondeur ATC TSR 718. Pour équiper les appareils de
l'armée de l'air qui seuls utilisent le système de navigation
TACAN, le TAC 200, dont la précision atteint 50 m en distance et 1°
en gisement, fut développé en 1980.
On ne peut également passer sous silence la
participation active de TRT aux campagnes de 1976 à 1983 de liaison
par satellites (AEROSAT et MARSAT) pour lesquelles des équipements
adéquats furent réalisés ni la réalisation de
prototypes de récepteurs MLS adaptés aux futurs systèmes
d'atterrissage internationaux des Aviations Civiles.
Enfin, depuis 1985, TRT participe à la mise
au point des équipements de réception du système de navigation
GPS Navstar (Global Positioning System). Ce système, qui comportera
dix huit satellites, permet à tout mobile équipé du récepteur
adéquat de connaître avec une très grande précision
sa position dans les trois axes. TRT a été désignée
comme maître d'oeuvre de ce système en France et une importante
équipe a été envoyée chez MAGNA VOX aux USA pour
travailler au développement du matériel.
Signalons, pour terminer, que TRT participa au projet
ICÔNE, visant à simplifier le câblage des avions. Un multiplexage
temporel des informations fut réalisé. Mais l'Armée de
l'air et l'Aviation civile lui préférèrent le DIGIBUS
de Dassault.