Le Village Gaulois

Si vous avez l’occasion, ou plutôt la bonne idée, de visiter le Trégor, en Bretagne, vous ne manquerez pas, bien sûr, la Côte de Granit Rose, et donc le Radôme de Pleumeur-Bodou, haut lieu des télécoms modernes. Le Radôme abrite toujours l’antenne cornet de 350 tonnes qui suivait le satellite pendant une petite demi-heure, entre son lever et son coucher, lors des premières transmissions des signaux de télévision entre les Etats-Unis et la France (1962). Entre le radôme, devenu musée à spectacle son et lumière, et le planétarium voisin, dans le vallon, vous emmènerez vos petits-enfants au Village Gaulois.

Ce Village Gaulois est un petit parc de loisirs, à vocation écologique et tiers-mondiste. Il est l’œuvre de Jean-Marc Le Bail, qui fut pendant six ans dessinateur industriel dans les équipes de Maurice Le Dorh à TRT Lannion. Après avoir dessiné les circuits imprimés de Gaston, de l’IRT 1500 et bien d’autres, Jean-Marc eut envie d’autre chose. Sa créativité, tenue en laisse, pour les circuits, même multicouches, avait déjà pris le large à de multiples reprises. Une fresque, dans l’entrée de TRT Lannion, représentait une scène de pêche en mer dans laquelle on reconnaissait ses collègues dont le regretté Robert Scoazec, chef du personnel. Il avait aussi fait quelques vignettes remarquées lors de la marée noire de 1978.Ayant quitté l’entreprise en 1983, avec déjà son idée en tête, il créa une Association : « Le Monde des Enfants pour les Enfants du Monde » (MEEM) qui va devenir propriétaire de ce petit parc de loisirs. Très rapidement, le vallon dans lequel jouait Jean-Marc quand il était enfant, de superficie 3 hectares, est acquis. Sa situation est idéale : quasiment au pied du Radôme.

Mais tout reste à faire : débroussailler, assainir, nettoyer le ruisseau et la fontaine, agrandir l’étang, empierrer pour faire des chemins et des cours…, dresser le menhir !... Et bien sûr, construire les 25 bâtiments (chaumières, cases, labyrinthe…) et les nombreux jeux, bateaux, balançoires, manèges…

Une partie du travail fut accompli par des bénévoles, membres de l’association (dont pas mal d’anciens de TRT), ou pendant quinze ans, par de jeunes participants de chantiers internationaux. Le terrain fut payé par des lavages de voitures et des vide-greniers sur les marchés. Une autre partie fut réalisée par des professionnels : la sécurité fait mauvais ménage avec l’amateurisme. Certaines grandes chaumières aux formes très étudiées sont des œuvres d’art. Le labyrinthe en trois dimensions (avec escaliers donc) en pierres et mortier, est un modèle du genre, où l’obscurité totale ne doit pas apporter de risque. Certaines chaumières ont un rôle didactique : l’une d’entre elles montre comment on y vivait dans le passé lointain, au temps des gaulois. Une autre, plus récemment équipée (ci-dessus), abrite un super cadran solaire, donnant l’heure à la seconde près (à condition qu’il y ait du soleil…). Un ingénieur de l’ex-CNET (Jean-Paul Cornec) y a apporté sa remarquable compétence. L’exploitation commerciale du parc commença en 1988.

La philosophie du parc de loisirs est claire : c’est l’enfant qui fait tout. Le manège est un grand arbre qui tourne, avec des sièges en forme de hérisson, de canard… accrochés aux branches, mais il ne tourne que si on le fait tourner manuellement, à la manivelle ! Les parents s’y collent, ou les copains, chacun son tour… On peut se faire arroser : deux équipes au tir à la corde, avec un seau d’eau en haut du mât… Une douzaine de bateaux sur l’étang, dont certains (les drakkars) sont arroseurs… Le livreur de « potion magique » (seule concession faite par Goscinny, en personne, en allusion à Astérix), avec son train de 3 tonneaux (un enfant dans chaque tonneau) est un visiteur bénévole, parent ou enfant pour le tirer. Il y a des échasses (une occasion pour les grands parents d’en remontrer à leurs petits-enfants…), un chamboule-tout avec des gaulois et des romains, un énorme sanglier en hêtre (?) qu’il faut propulser pour qu’il projette des ballons vers les bateaux, des catapultes…Tous ces jeux sont gratuits. Seule l’entrée du parc est payante : adultes 6€, 3 -14 ans 5€, moins de 3 ans gratuit. Une exception cependant : la pêche à la ligne est payante, 1€, pour accrocher des poissons habituels en plastique ; ce qui l’est moins c’est la récompense, une médaille en étain-plomb frappée à la forge voisine, où l’on voit effectivement la fonte, le moulage, la frappe de la médaille, dans une forge artisanale avec son soufflet. Et bien entendu, la crêperie, sous sa grande chaumière, n’est pas non plus gratuite.

Une petite partie du parc est constituée de cases africaines, avec des jeux africains. Il existe aussi à l’entrée du parc un petit magasin de produits africains. La composante tiers-mondiste est revendiquée et explicitée dans la chaumière « Historique et Gestion ». Les résultats financiers sont affichés à la main quotidiennement ! Les chiffres sont en bois. Les bénéfices (78 000 € en 2014) sont envoyés au nord du Togo, où des écoles peuvent exister et s’équiper, grâce à ces dons assurés (2 500 enfants concernés). On peut même s’initier à la gestion d’entreprise, tant les résultats sont détaillés… L’Association a entre 4 et 6 salariés, et ce depuis trente ans.

Les enfants aiment beaucoup ce type de parc, très simple, très rustique, à l’esprit très familial, où l’enfant a l’initiative. Les touristes anglais, hollandais, allemands et des pays nordiques sont d’excellents clients. Mais les élèves des écoles locales sont aussi très intéressés.

Jean-Marc Le Bail vient de prendre sa retraite, il a 63 ans, mais il fait encore ses 35 heures hebdomadaires, pour aider à la gestionet…animer le tir à la corde, par exemple ! Il faut signaler aussi Christian Logiou, actuel directeur du camp, qui a vécu toute l’aventure, (en tant que trésorier de l’association dès 1983, à la fondation) tout en continuant à travailler dans le labo de TRT, puis Lucent, puis Alcatel-Lucent… Sa retraite est ainsi bien occupée… D’autres anciens de TRT, retraités maintenant, prêtent toujours main forte à l’Association MEEM. Pour assurer la pérennité du Village Gaulois, en gardant le même esprit, les Collectivités Locales (Région, Département…) participent aux discussions sur le futur…

Texte et photos de Henri BADOUAL