Quand on passe devant le numéro
25 de l’avenue des Champs-Elysées, en général on
ne remarque pas cet édifice qui est en retrait de
l’alignement. Un restaurant avec terrasse fermée occupe une partie
du trottoir et le masque partiellement. Mais en levant la tête, on voit
sa magnifique façade de style Renaissance sur deux niveaux, surmontée
d’une lucarne. Une porte à deux battants, en bronze, ornée
de bas-reliefs dorés, est placée de chaque côté
du mur de clôture. Les voitures entraient par l’une, déposaient
les invités, toujours des hommes, devant la rotonde d’entrée
et ressortaient par l’autre après être passées derrière
le bâtiment. Suite aux transformations apportées par les propriétaires
successifs, cet accès a été fermé et remplacé
par un escalier menant au rez-de-chaussée surélevé.
Mais, avant d’entrer, l’histoire
de cet hôtel mérite d’être connue comme celle de
la femme qui lui a donné son nom, la marquise de Païva. Au XIXe
siècle, les Champs-Elysées étaient loin d’être
aussi construits et fréquentés qu’aujourd’hui. L’Arc
de Triomphe (construction de 1806 à 1836) a longtemps été
seul. C’est l’exposition universelle de 1855 avec le gigantesque
Palais de l’Industrie qui met les Champs-Elysées à la
mode. C’est sur cette avenue qu’est construit l’hôtel
de 1855 à 1866 sous la direction de l’architecte Pierre Manguin
pour la somme de 10 millions de francs or. Celle à qui il est destiné
est Esther Pauline Blanche Lachmann, née en 1819, d’origine polonaise,
émigrée en Russie où elle épouse un Français
venu y faire fortune. En 1838, elle quitte son mari et part pour Paris où
elle rencontre un riche pianiste et fabricant de pianos, Henri Hertz, qui
lui fait connaître le monde artistique et les Etats-Unis. Elle est une
des femmes les plus élégantes de Paris.
Après des revers de fortune,
elle va à Londres où elle rencontre Lord Stanley, suivi d’autres
Lords… et rentre à Paris en 1848. Elle épouse un noble
portugais, Albino Francisco, marquis de Païva Araújo en 1851,
elle le quitte bientôt mais elle gardera le nom. Le marquis, ruiné,
se suicide en 1871. Veuve à nouveau, elle épouse son amant le
comte Guido Henckel von Donnersmarck, richissime Silésien, cousin de
Bismarck, qui lui a offert un hôtel au 28, place Saint-Georges, un château
à Pontchartrain et fait construire celui des Champs-Elysées.
Elle n’en profitera pas longtemps. En 1877, soupçonnée
d'espionnage, elle doit quitter la France et se retire en Silésie au
château de Neudeck (aujourd'hui Swierklaniec) où elle décède
le 21 janvier 1884, âgée de soixante-cinq ans. Le comte vendit
en 1895 l’hôtel qui lui avait coûté si cher à
un restaurateur, ancien cuisinier du tsar, qui le revendit en 1895 à
un banquier berlinois. Enfin, il fut acheté en 1903 par un club anglais,
le Travellers Club qui en est toujours propriétaire. Il est classé
monument historique.
Entrons enfin dans la rotonde
qui ouvre sur le grand salon d’apparat de style Napoléon III.
Il est orné de grands miroirs qui l’agrandissent encore, d’une
grande cheminée ornée de cariatides et d’un beau plafond
peint par Paul Baudry : « Le jour pourchassant la nuit ». Les
incrustations de marbre de couleurs diverses sont toutes authentiques ; dans
l’hôtel pas de trompe- l’œil ! Cette pièce est
suivie du salon de musique qui a la particularité d’avoir une
cheminée située sous la fenêtre. De la rotonde, on a également
accès à la salle à manger aux larges baies donnant sur
le jardin d’hiver. La cheminée monumentale est ornée de
deux lionnes couchées, allusion à la vie tumultueuse de la Païva
?
Pour accéder à l’étage
supérieur, il faut emprunter le chef d’œuvre de l’hôtel,
son escalier en onyx jaune, sans doute unique au monde. Une niche abrite une
statue de Virgile.
La chambre de la Païva, dotée elle aussi d’une cheminée
sous la fenêtre, est voisine de la salle de bain de style mauresque
dont la baignoire, taillée dans un bloc d’onyx est revêtue
de bronze argenté. Une banquette la recouvre quand ont lieu les réunions
du conseil d’administration du club. Trois robinets sont présents,
si les deux premiers sont traditionnels, personne ne sait à quoi était
destiné le troisième. Une table de massage est placée
en bas de la fenêtre, permettant à la Païva de voir les
équipages parcourant les Champs-Elysées pendant le massage.
Yannik SCHIFRES
Jean Sucases m’a aimablement indiqué le reportage de TV5 sur l’Hôtel de la Païva qui est une visite commentée de l’hôtel et qui intéressera ceux qui n’ont pas eu le plaisir de faire la visite :
Une anecdote |