Contact N°50 juin 2011


     Nous retrouvons avec plaisir notre guide, Madame Sophie Courrat, qui nous propose de revoir certaines salles, vues rapidement, lors de notre dernière visite du jeudi 21 octobre 2010. Cette initiative, valable aussi pour ceux qui étaient absents ce jour-là, nous permet de mieux situer les différentes époques de l’Art : du début du XXe siècle aux Années 2000.

L’Art Nouveau : Années 1900 : Il marque le rejet du style Néoclassique du XIXe siècle, et le triomphe d’un style moderne. C’est La Belle Epoque. Louis Majorelle et Emile Gallé (Ecole de Nancy) incarnent ce mouvement. Dès 1905, 1906, on assiste au rejet de l’Art Nouveau.

L’Art Déco : Il ne sera lancé qu’en 1925, par l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs, Industriels et Modernes, à Paris. Ce grand style représente un univers raffiné, il marque un retour aux lignes droites et aux formes épurées, inspirées par le cubisme, et l’architecture aux structures orthogonales de béton armé. Nous évoquerons quelques grandes figures de cette époque : Ruhlmann, Eileen Gray, Dunand, Rateau, Chareau. Les meubles Ruhlmann, décorateur-ensemblier, sont en ébène de Macassar, les lignes ou poignées en ivoire. N’oublions pas la célèbre chaise longue « aux skis », dite du Maharadjah, née en 1929. 1925 marque l’ère du Fonctionnalisme : on revient à la géométrisation des formes.
        L’union des Artistes Modernes (UAM), fondée en 1929 par Mallet-Stevens et qui durera jusqu’en 1958, défend « Le beau dans l’utile », un « Art pour tous », qui privilégient des matériaux et un décor simples, comme dans les créations de René Herbst ou celles d’Eileen Gray, à la fin de sa vie. Mallet-Stevens utilise des tubes métalliques laqués.

1937 : Exposition Internationale des Arts et Techniques dans la Vie Moderne : Classicisme et Rationalisme. Le mobilier est fait par et pour la Manufacture de Saint-Gobain.
Meuble de René Herbst, d’une typo-logie nouvelle (1937) dit « de studio »; table-guéridon de René-André Coulon (Saint-Gobain, France, 1937) ; Fauteuil du même René-André Coulon (1938), en verre à faces polies ou « glace », bombé et trempé, assise cuir ; radiateur luminaire « radiaver ».


        Autour de tous ces meubles, on voit apparaître différentes voies du modernisme : expérimentation de matériaux nouveaux ou valeurs de l’ébénisterie. Les meubles présentés à l’Exposition Internationale de 1937, témoignent de la grande tradition des ébénistes décorateurs, travaillant toujours pour quelques clients privés, mais aussi pour la commande publique : les ambassades et les ministères.

Années 1940 (9ème étage) : Le goût de l’onirisme.
         Notre parcours est le suivant : nous montons au 9ème étage puis descendrons jusqu’au 5ème étage,  Années 2000 et fin de visite.
Un ensemble présente des objets de fantaisie chargés d’onirisme de Jeanine Janet et des maquettes d’architecture d’Emilio Terry, d’un néoclassicisme plein d’esprit.
Nous avons admiré cette table de Gilbert Poillerat (1943) ; son piètement est en fer forgé. Pour une question de légèreté, son plateau a été confectionné en stuc plutôt qu’en marbre.


Célèbre chaise longue en bambou de Charlotte Perriand, créée artisanalement en 1941 au Japon, avec des matériaux japonais dont le bambou, cette chaise est une version  de  la  chaise  longue  à  ossature en acier, conçue en  collaboration  avec  Le Corbusier  et  Pierre  Jeanneret en 1928.



Années 1950 (8ème étage) : La nouvelle génération
Cette appellation regroupe différents créateurs, engagés autour de la question d’un mobilier produit en série. Chaque pièce de mobilier gagne peu à peu en autonomie, par rapport à la notion d’ensemble.
Jean Prouvé , ingénieur, réalise du mobilier pour collectivités (Aménagement de la résidence universitaire Jean Zay d’Antony avec plusieurs créateurs), par exemple ce siège d’amphithéâtre dont le dossier est en métal fendu dans le dos.

Jeanine Jeanet, formée à l’Ecole des Beaux Arts de Paris et de Toulouse, réalise en 1959, trois bustes en bois sculpté pour Balenciaga : le Roi, la Reine et le Valet.
Jean Royère aspirait à créer un mobilier fonctionnel, sans renier l’ornement. Son  luminaire « Liane » est une des créations les plus remarquables de son œuvre. Il a travaillé à l’échelle mondiale, notamment pour le Shah d’Iran. Le même Jean Royère réalise en 1947, un buffet en marqueterie de paille ; Henri Salvador en a acheté un.

 

Ensemble de Jean Royère, avec le luminaire « Liane » (qui peut avoir 2, 5 ou 10 branches), le canapé « Boule », dit « Banane », la table « Flaque », et le fauteuil « Œuf »

 

Années 1960-1970 (7ème étage) : Elles marquent le retour à la recherche. Elles voient une uniformisation croissante des modes de vie et de pensée portée par les innovations incessantes de la science et de la technique. On assiste à une invasion des matières plastiques qui transforment tous les objets du quotidien. Une pyramide de sièges est présentée en 1968 au Musée des Arts Décoratifs. Quand le plastique devient trop cher à la suite de la crise pétrolière, on arrive à fabriquer des sièges en carton.
Bruno Mathsson , en 1974, réalise dans son entreprise familiale de Varnamo en Suède, le fauteuil « Pernilla ». En bois de bouleau et sangles en fibres végétales, il permet une assise souple et confortable. La crise de 1968 dénonce le gaspillage, l’artificialité des besoins créés par une industrie en constante expansion.

Années 1980-1990 (6ème étage) : Époque Moderne Contemporaine
        L’espace des années 80-90 est consacré à la nouvelle génération de créateurs qui ont forgé la scène française du design à cette époque : Francois Bauchet avec ses meubles évolutifs, Sylvain Dubuisson avec son bureau en escargot pour le Ministère de la Culture.


        L’ensemble consacré à Olivier Gagnère évoque le café Marly (fauteuil en velours, un peu dans le style Napoléon III). Martin Szekely, formé à l’école Boulle réalise une chaise longue qui fait partie de la collection « Pi » 1982-1985 : c’est une chaise de repos qui fait penser à un fauteuil de dentiste. La couleur noire, à la mode japonaise, accentue le graphisme acéré de la ligne.


Le « cabinet de l’enfer » créé par Mattia Bonetti et Elisabeth Garouste est composé de 28 plaques de terre cuite émaillées, fixées par des cabochons à une structure en fer forgé peint en rouge vif.
Les fauteuils « Charly » et « Clarice » font partie des grands classiques de Niki de Saint-Phalle. Ils se caractérisent par une taille surdimensionnée, des formes pleines de fantaisie, dans la couleur et les motifs. L’artiste fit don au Musée des Arts Décoratifs, d’un ensemble important de 20 pièces : objets et mobilier dont la production se situe entre 1980 et 1997. 


       Une génération plus internationale émerge à la fin des années 1980. Les principales figures en sont Jasper Morrisson, adepte du minimalisme, Marc Newson et Ron Arad (qui a exposé en Israël). Philippe Starck, dont la reconnaissance est depuis longtemps internationale, est présent parmi eux. Marc Newson réalise le prototype de « Pod of drawers » à Londres en 1987 : c’est une coque montée entièrement recouverte de plaques d’aluminium rivetées. Il avait une passion pour les avions et les automobiles. Ce chiffonnier évoque une carlingue d’avion. Il fait aussi référence à certains meubles d’époque Louis XV.


       

Formé à l’école Camondo, Philippe Starck est un designer célèbre, dont le Musée de Arts Déco présente quelques exemples « témoins ». Parmi les plus connus, le siège « Louis Ghost » est un fantôme de siège dont les références sont à chercher autant dans les styles du XVIIIe siècle (fauteuils Louis XVI) que dans les fauteuils de Christian Dior. « WW stool » est un élément de bureau fantaisiste, et la « Lola-Mundo », à la fois table et chaise résume la démarche de Starck. Elle reprend le principe du capiton, faisant penser aux fauteuils anglais.

Années 2000, et conclusion (5ème étage)
         Malgré la morosité économique, la vie culturelle française reste vigoureuse. Soucieux de graver leur nom dans l’histoire, les présidents de la République se lancent dans une politique de grands travaux : Centre Pompidou, Musée d’Orsay, Rénovation du Louvre, Grande Arche, Opéra Bastille, Bibliothèque Nationale de France, Musée des Arts Premiers. Le mobilier sélectionné a pour caractéristique de constituer lui-même un espace ou bien de définir des fonctions précises ou fluctuantes. Il souligne une nouvelle conception du rôle de designer, créateur de microarchitectures.
        Arrivés en fin de visite nous sommes presque étonnés d’avoir appris tant de choses, admiré tant de différents styles, comparé tant de « designs ». Un peu ivres, nous terminons enchantés, le cycle passionnant de ces trois rendez-vous au Musée des Arts Décoratifs.

Texte de Vidye Claude BEHAR
Photos de François BEHAR, et du musée